Qui sont les amazones du Dahomey : les Minon ?
Allant à l’encontre de tous les stéréotypes sur les femmes, les amazones du royaume du Dahomey sont le corps qui représentait alors les troupes d’élite de l’armée dahoméenne. Ces valeureuses femmes guerrières, moins connues sous leur nom en langue local, Fongbe, Minon ou Agoodjié, ont grandement participé à forger la renommée du royaume dans la sous-région. Leur leitmotiv : vaincre ou mourir !
Si les colons ont choisi de leur attribuer le nom d’« amazones », ce n’est pas le fruit du hasard. Ce nom plein de pouvoir qui est désormais celui qui est attribué à ces troupes de femmes soldats est emprunté à la mythologie grecque.
En effet, dans le récit mythologique de l’Illiade, le terme « amazones » est utilisé pour désigner un peuple de femmes guerrières qui aurait été établi sur les rives de la mer Noire. La dévotion dont faisaient preuve les amazones dahoméennes et d’autres caractéristiques les rapprochent donc de ce peuple fictif.
À qui doit-on la création du régiment des amazones du Dahomey ?
Quelques sources attribuent la création du régiment des amazones au roi Aho Houegbadja du Dahomey vers la fin du XVIIe siècle. Toutefois, l’histoire a établi que l’on doit plutôt la naissance du régiment tel que nous le connaissons aujourd’hui à la reine Tassi Hangbé, qui a d’ailleurs failli être effacée de l’histoire.
Tassi Hangbé, ou Nan Hangbé, seule femme à avoir régné sur le trône du Dahomey est de ce fait considérée comme la véritable créatrice des amazones. La sœur jumelle de Houessou Akaba a ainsi pris le soin de faire former certaines femmes du royaume au combat en posant les bases du régiment.
Durant son règne assez court d’à peine quatre années, la reine se travestira pour prendre les devants des troupes pour prouver l’habilité des femmes à combattre.
Comment les recrues étaient-elles choisies ?
Pour constituer le groupement des Minon (nos mères en Fongbé), la fine fleur de l’armée dahoméenne, le recrutement était une étape cruciale. Le processus de sélection des femmes qui devaient intégrer le corps était donc très strict et suivait des normes bien définies.
Dès l’enfance, des jeunes filles, descendantes d’esclaves du roi, étaient ainsi choisies pour devenir plus tard Minon. Hormis cet enrôlement fait de force, certaines femmes de la société se proposaient volontairement pour intégrer l’armée.
À raison d’une fois tous les trois ans, les sujets du royaume étaient sommés de présenter leurs filles à un conseil constitué de sages. Ce conseil était notamment chargé de désigner les jeunes filles les plus aptes à faire partie du régiment et donc, à être admises dans la demeure du roi.
Suite à une formation rude, les femmes étaient nommées soldates ou officières en fonction de la classe sociale à laquelle appartenait leur famille d’origine. Considérées comme épouses du roi et faisant parties de son harem, les Minon devaient faire vœu de virginité et de célibat pendant toute la durée de leur service militaire.
Comment étaient organisées les troupes des amazones ?
L’unité d’élite militaire des Agoodjié ne comptait pas moins de 5000 femmes soldates dévouées à la défense du roi, soit pratiquement un tiers des effectifs de l’armée. À cette époque déjà, l’unité était organisée selon des corps et des catégories qui n’ont rien à envier à l’armée moderne.
Les combattantes étaient également classées selon une certaine hiérarchie incluant Gahu (officières), Ahouangan (sous-officières) et soldates. Elles étaient également réparties en deux corps principaux que sont les Aligossi et les Djadokpo.
Les Aligossi constituaient d’une certaine manière la garde rapprochée du roi. En plus de garantir la sécurité personnelle du roi, elles étaient également postées aux alentours du palais pour prévenir toute attaque.
Pour leur part, les Djadokpo servaient d’éclaireuses au reste des troupes lors des batailles. Ces combattantes reconnues pour leur force de frappe dévastatrice étaient placées à l’avant pour affaiblir l’ennemi dès le début de l’assaut.
Le corps des Djadokpo était lui-même subdivisé en cinq catégories de soldates :
- les fusilières ou Galamentoh, constituent la plus grande partie des effectifs des troupes des Minons. À l’aide de leurs fusils carabine Winchester, elles attaquaient en tirant à bout portant avec une précision déconcertante. Il faut noter qu’elles portaient des poignards sur elles en cas de combat rapproché.
- les archères, renfort des Galamentoh, armées de flèches à la pointe enduite d’un redoutable poison attaquent à distance les ennemis ;
- les Gbeto, aussi qualifiées de chasseresses, qui sont le commando d’élite de l’unité. Avec leurs corpulences massives et imposantes, elles étaient les plus habiles au corps à corps et avaient pour réputation d’être particulièrement meurtrières. Cela explique donc leur slogan à faire pâlir les adversaires : « vaincre ou mourir » ;
- les faucheuses armées de deux machettes qu’elles manient avec une dextérité chirurgicale qui leur permettait d’éliminer les ennemis d’un coup. Les têtes qu’elles tranchaient au combat leur servaient de trophée de guerre qu’elles se plaisaient à brandir ;
- et les Agbaraya, pour leur part, sont un peu plus en retrait, mais font tout autant de dégâts en étant armées de tromblons qui leur permettaient de décimer les effectifs ennemis.
Au cours de leur entrainement rude pour intégrer les rangs des amazones du Dahomey, chaque femme était affectée à une des catégories citées plus haut selon ses affinités.
Le rôle des amazones du Dahomey dans la résistance à la France ?
Certaines des données écrites dont nous disposons aujourd’hui au sujet des amazones du Dahomey proviennent de ceux qui les ont affrontées sur le champ de bataille : les colons européens. Si l’on en croit les récits transcrivant le ressenti des soldats français, les Minon font partie des armées qui leur ont posé le plus de problèmes pendant les guerres de conquête.
Comme toujours extrêmement dévouées à la couronne, les Minon ont su soutenir leur roi Guézo, puis son successeur Béhanzin dans leur décision de résister à l’invasion coloniale. Ces femmes aussi vaillantes que sanguinaires sont donc très vite devenues un véritable cauchemar qui hantait les nuits des soldats français les plus vaillants.
Si les troupes du général Dodds pensaient mater la résistance dahoméenne en faisant une campagne facile, les Minon leur ont vite retiré cette idée de l’esprit. L’une des journées de campagne les plus marquantes restera sûrement celle du 26 octobre 1892, qui fut, selon le général et acteur majeur de la colonisation française, « la journée la plus meurtrière de cette guerre ».
Pendant ces quatre heures de combat acharné qui semblait être une journée, les soldats français furent lourdement éprouvés par les prouesses des amazones. Elles s’exclamèrent d’ailleurs :
Nous sommes créées pour défendre, le Danhomè, ce pot de miel, objet de convoitise, le pays où fleurit tant de courage peut-il abandonner ses richesses aux étrangers ? nous vivantes, bien fou le peuple, qui essayerait de lui imposer sa loi
À l’issue de cette funeste journée où les guerrières se battirent corps et âmes, elles finirent décimées, car ayant préféré la mort à l’abandon lâche et s’éteignirent dans la dignité.
Qui est la dernière amazone du Dahomey connue : Nawi ?
Considérée comme la dernière amazone du corps des guerrières du Dahomey, une femme centenaire prénommée Nawi a fait l’objet d’un reportage. Un historien béninois l’a rencontré en 1978 dans le village de Kinta où elle a confié au chercheur ses souvenirs de la bataille de 1892 à laquelle elle disait avoir pris part.
Un an après avoir livré ses secrets au monde, en 1979, Nawi rendit l’âme en laissant derrière elle une vie des plus impressionnantes. Son héritage laissé à la postérité n’a pas été perdu et son nom a d’ailleurs été donné à quelques personnages de fiction liés aux Minon.
Les représentations des amazones du Dahomey dans le cinéma
Le récit des campagnes et du mode de vie des amazones du Dahomey continue d’en fasciner plus d’un, plusieurs siècles après. Il existe donc de nombreuses mentions faites de cette armée hors du commun dans les œuvres de fictions, surtout cinématographiques.
Parmi les plus grands chefs d’œuvre qui s’inspirent ouvertement du vécu impressionnant des amazones du Dahomey, deux retiennent particulièrement l’attention : Black Panther et The Woman King.
Black Panther s’inspire des amazones du Dahomey
À moins de vivre coupé de la civilisation, il est impossible que vous n’ayez pas entendu parler du film Marvel, Black Panther. En plus d’être un véritable succès au box-office mondial, le film dépeint une nation africaine à la pointe de la technologie qui a plusieurs années d’avance sur le reste du monde.
Et au milieu de ce tableau idéalisé de l’Afrique, un beau clin d’œil est fait à l’armée des Minons à travers le corps militaire des Dora Milaje qui protège le Wakanda.
The Woman King avec Viola Davis: film historique sur les amazones du Dahomey
Pour retracer le parcours atypique des amazones, des personnalités du cinéma américain telles que Cathy Schulman, Viola Davis, Julius Tennon et Maria Bello dévoilent le film The Woman King. C’est une production historique qui rend hommage à toutes les Minon. Le film a été présenté au cinéma le 16 septembre 2022 et fut un succès immédiat.
Avec Viola Davis en tête d’affiche, il suit l’histoire de Nawi, une amazone du Dahomey et de sa mère, Nanisca. La Miss Univers 2019, Zozibini Tunzi et la chanteuse béninoise Angélique Kidjo font également partie du casting qui promet une production très riche.
5 choses à savoir sur la statue l’Amazone du Bénin
Afin de rendre hommage à la bravoure dont on fait preuve, les Minon, l’État béninois a récemment révélé au public un monument particulier : la statue de l’Amazone du Bénin. L’édifice érigé à quelques pas du palais présidentiel de la Marina n’a pas encore été officiellement inauguré et renferme quelques surprises.
Voici cinq choses à savoir à propos de la statue de l’Amazone du Bénin.
La statue n’est pas une représentation de Tassi Hangbe
Lorsque la statue a été présentée pour la première fois, les spéculations allaient bon train pour découvrir le personnage qu’elle représente. Une infox selon laquelle la statue était une reproduction de la reine Tassi Hangbe a donc été grandement partagée sur la toile.
Constatant la situation, le gouvernement n’a pas perdu de temps en clarifiant la situation et en précisant qu’il ne s’agit pas d’un hommage à la reine du Dahomey. Par le biais de son compte Twitter, le gouvernement a expliqué qu’il n’y a pas eu de modèle particulier pour la statue de bronze. Elle est une représentation artistique d’un membre classique du corps de l’armée féminine historique.
La statue l’Amazone du Bénin est la deuxième plus grande de l’Afrique francophone
Du haut de ces 30 m de hauteur (hors socle), la statue de l’Amazone du Bénin passe tout juste derrière le Monument de la Renaissance africaine de Dakar qui s’élève à 52 m au-dessus du sol. Elle devient ainsi la deuxième plus haute statue de l’Afrique francophone. La structure métallique a un poids de 150 tonnes avec un revêtement en bronze.
La statue l’Amazone du Bénin a été conçue par un artiste chinois
Contre toute attente, le gouvernement béninois n’a pas décidé de confier la conception de ce monument lourd d’histoire à un artiste local, mais plutôt à un artiste chinois. C’est Li Xiangqun qui a reçu la mission le 17 juillet 2019 de donner vie à la statue de l’Amazone.
Elle a une place dédiée : l’Esplanade des Amazones du Bénin
Pour une représentation plus pérenne de l’héritage des amazones, la statue de l’Amazone du Bénin a également une place qui lui est dédiée. Tout l’espace autour de la statue situé derrière le palais présidentiel sera de ce fait aménagé en une place qui porte le nom d’esplanade des Amazones du Bénin.
Elle est à quelques mètres de la plus longue fresque murale du monde
Depuis les réformes du secteur du tourisme au Bénin, de nombreux efforts sont faits pour rendre le paysage de plus en plus attrayant pour le public. Le gouvernement a donc contribué au lancement du projet Effet Graff’ il y a quelques années. Il consistait en la mise au point d’une fresque murale de graffitis.
Le travail de plus d’une vingtaine d’artistes a de ce fait conduit à la réalisation d’un pari quasiment fou, la fresque murale la plus longue du monde. Pour compléter ce tableau haut en couleur, notre chère statue de l’Amazone du Bénin est située à peine à quelques mètres de cette fresque.
Le monument a été inauguré le 30 août 2022, veille de la fête d’indépendance du pays, par le Président de la République Patrice TALON.
Alors, ne sont-elles pas fascinantes les amazones du Dahomey ? Et si vous venez vous aussi visiter l’esplanade des Amazones pour vous imprégner un peu de la majesté des lieux et de l’immensité de celles qu’elle magnifie ?
Réponses à vos questions sur les amazones du Dahomey
Comment s’appelle la reine de ces guerrières ?
L’histoire attribue à la reine Tassi Hangbé la restructuration du corps des Agoodjié. Elle a également dirigé l’armée des Agoodjié, les amazones du Dahomè, pendant certaines campagnes de conquête, notamment celle contre les Ouémènou.
Où vivaient les femmes soldats du Dahomey ?
Les amazones du Dahomè étaient enrôlées dès l’adolescence et coupées du reste du monde. Elles étaient isolées dans les palais royaux où elles vouaient leurs vies aux entraînements et au maniement des armes. Lorsqu’elles n’étaient pas dans les palais royaux, elles étaient affectées à la protection du roi ou menaient des guerres de conquêtes.
Qui fut le premier roi du Dahomey ?
Les historiens pensent que le roi Aho Houegbadja, troisième roi d’Abomey est le fondateur du royaume de Danhomè car il a fait construire les palais royaux d’Abomey et élargit le royaume par ses conquêtes. Le premier roi d’Abomey était cependant Gangnihessou qui régna de 1600 à 1620.
Comment appelle-t-on les femmes soldats de Béhanzin ?
Le corps d’élite de l’armée de Béhanzin, composé exclusivement de femmes, était appelé Mino par les soldats des autres infanteries du Dahomey. Ce qui signifie « Nos mères » en fon, principale langue locale. Ces intrépides guerrières se faisaient également appelées Agoodjié qui voulait dire « ôte toi de mon chemin ! ». Au contact des marchands européens puis des colonisateurs, ces femmes furent qualifiées d’amazones par les envahisseurs en référence aux mythiques Amazones de l’ancienne Anatolie.
Qui a vaincu les amazones du Dahomey ?
C’est vraisemblablement dans la lutte contre les troupes du colonisateur que la grande partie de ce corps d’élite fut décimée. Les forces françaises ont infligées des pertes incommensurables aux Mino. Pendant les batailles, les légionnaires français, renforcés par la légion étrangère, purent défaire les amazones qui s’étaient spécialisées dans le combat rapproché. Leurs adversaires par contre disposaient d’armes à courtes et moyennes portées particulièrement sophistiquées.
Comment s’appelle le Dahomey aujourd’hui ?
Le royaume de Dahomey se situait au sud de l’actuelle République du Bénin (précédemment République du Dahomey de 1958 à 1974). Pays de l’Afrique de l’Ouest bordé à l’est par le Nigéria, au sud par l’Océan Atlantique, à l’ouest par le Togo et au nord par le Niger et le Burkina-Faso.
Quelle est la signification de Dahomey ?
On attribue à Akaba, quatrième roi d’Abomey, le nom Danxomè (francisé Dahomey). Ce qui veut dire, en fon, dans le ventre du serpent (Dan). Ce roi aurait tué un roi Guédévi du nom de Dan qui lui refusait de lui accorder des terres supplémentaires. Il aurait ensuite construit son palais royal sur le corps du défunt, affirmant bâtir sur le ventre de Dan.
Quelle est la date de la mort de Tassi Hangbé et son lieu d’inhumation ?
La reine Tassi Hangbé, fille du roi Aho Houegbadja et fille jumelle du roi Akaba serait décédée en 1715, soit quatre ans après avoir été détrônée. L’histoire ne mentionne pas la suite des évènements après l’abdication au trône de Tassi Hangbé et l’assassinat de son fils unique. Toutefois, on se doute bien qu’elle fut inhumée dans son palais avec les honneurs dus à son rang de princesse royale comme le veut la tradition.
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